🕯️ La douleur cachée

Il existe des douleurs qui n’ont pas de nom. Des douleurs qui s’infiltrent lentement, comme l’humidité entre les murs : invisibles au début, mais qui finissent par tout corroder. Des douleurs qui ne crient pas, mais qui te vident. Tu t’assois à une table, tu essaies de lire, de travailler, de vivre… mais quelque chose en toi est éteint, absent, distant.

C’est la douleur de celui qui a été arraché à ce qu’il aime le plus. De celui qui voit grandir ses enfants de loin. De celui qui, chaque soir, se demande s’ils se souviennent encore de sa voix, s’ils attendent encore cette caresse, si ce lien – qui autrefois semblait indestructible – résiste au silence et à la distance.

C’est une douleur qui n’intéresse personne. Elle ne fait pas la une. Elle ne suscite aucune campagne. C’est une douleur gênante, que la société préfère ignorer. Parce que l’admettre signifierait reconnaître que les pères aussi peuvent souffrir, que les hommes aussi peuvent être des victimes. Et cela, pour beaucoup, est encore inacceptable.

Alors tu apprends à la cacher. À sourire quand on te demande “ça va ?”, à parler du temps ou du travail. Mais à l’intérieur, tu as un vide que rien ne comble. Une douleur qui ne s’apaise pas. Et parfois, quand personne ne te voit, tu pleures. Parce que ton fils te manque. Parce que ta fille te manque. Parce que cette vie que tu avais construite t’a été arrachée.

Il n’existe pas de justice qui puisse te rendre les jours perdus. Mais il existe la dignité. La dignité de ne pas abandonner. De continuer à aimer, même à distance. De ne jamais cesser d’être père, même quand on te traite en étranger. Parce que le véritable amour n’a pas besoin de permission. Il ne demande pas d’autorisation. Il existe. Il résiste. Et il reste.

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