Lettre aux femmes qui ont choisi d'effacer
À vous qui avez cru, peut-être de bonne foi, que détruire le passé était nécessaire pour construire un avenir.
À vous qui avez pensé lutter pour votre liberté, alors que quelqu'un d'autre luttait à travers vous pour un objectif qui n'était pas le vôtre.
À vous qui avez dit « assez » non seulement à un homme, mais à une histoire, à un lien, à une partie entière de votre vie, aussi imparfaite soit-elle.
Nous vous demandons : cela en valait-il la peine ?
Vous avez annulé des années — souvent des décennies — de votre existence, non pour échapper à un danger réel, mais pour adhérer à une narration.
Vous avez mis un terme à ce que vous aviez construit ensemble, même lorsqu'il y avait encore de la place pour parler, pour comprendre, pour recoudre.
Et vous l'avez fait, peut-être, parce que quelqu'un vous a fait croire qu'il suffisait de le vouloir.
Que rompre était synonyme de force. Que chaque différend était une violence, et chaque difficulté une chaîne à briser.
Mais la vraie question reste :
Qui a gagné dans ce processus ?
Êtes-vous vraiment plus libres, plus épanouies maintenant ?
Plus heureuses ? Plus authentiques ?
Ou vous êtes-vous simplement livrées à une culture qui a fait de la séparation une valeur et de la méfiance la nouvelle grammaire de l'amour ?
Avez-vous déjà pensé que ce que vous appelez aujourd'hui « violence psychologique » était, parfois, simplement une communication imparfaite évaluée selon des schémas cognitifs préétablis ?
Que l'incompréhension, la fatigue, voire les silences, n'étaient pas des instruments de domination, mais les signes d'une relation en crise qui cherchait désespérément à ne pas mourir ?
Avez-vous déjà pensé que tout cela aurait pu être résolu de l'intérieur, avec plus d'écoute et moins d'idéologie ? Avec plus d'humilité et moins de schémas ?
Cela en valait-il la peine de punir les enfants par l'absence du père ?
De leur enlever la possibilité de grandir avec deux présences, deux points de vue, deux étreintes différentes ?
On vous a fait croire que le père était un danger pour vos enfants.
Et vous avez répété ces mots devant un juge qui — au nom de la protection — a fini par exclure le père de leur vie.
Mais si, au fond, vous saviez que ce danger n'existait pas, et admettons-le maintenant que les procédures sont terminées, alors vous ne les avez pas protégés.
Vous les avez privés, instrumentalisés, pour ce qui vous semblait être votre objectif.
Vous avez confondu la rupture du couple avec la destruction du lien parental.
Et c'est une blessure qui ne s'efface pas avec le temps.
C'est une blessure qui grandira avec eux.
Cela en valait-il la peine d'impacter leur avenir, en imposant des frais juridiques, des médiations, des expertises, des tribunaux…
Des milliers d'euros qui auraient pu être destinés à leurs rêves, à leur formation, à leur sérénité.
Chaque euro dépensé pour se défendre de ce qui aurait pu être clarifié en parlant est un désir en moins réalisé pour un enfant.
Une opportunité manquée.
Non, nous n'attendons pas de réponses maintenant. Trop de questions, trop difficile aujourd'hui d'admettre s'être trompée.
Peut-être reviendront-elles dans quelques années.
Quand la gueule de bois d'une émancipation présumée et la chimère de l'autoréalisation se seront dissipées.
Quand vous vous rendrez compte que l'indépendance est un chemin, pas une rupture.
Que les espaces, même dans la relation de couple, doivent être conquis par le travail acharné de tous les jours et non par l'exclusion de l'autre.
Qu'on ne devient pas plus authentique en effaçant une histoire, mais en en acceptant les ombres.
Qu'on ne grandit pas en détruisant, mais en traversant.
Quand la mémoire vous surprendra avec une image :
un rire partagé, un voyage, une étreinte, la naissance d'un enfant.
Toutes ces choses que vous avez pensé effacer,
comme les photos qui vous montraient heureuses.
Comme s'il suffisait de les éliminer pour faire disparaître la vérité.
Mais la vérité ne s'élimine pas.
Elle reste dans les enfants.
Elle reste dans les nuits sans sommeil.
Elle reste dans la partie la plus vivante de vous.
Et alors — avant qu'il ne soit trop tard — il est juste que vous sachiez une chose :
ce que vous avez vécu n'est pas seulement une crise personnelle.
C'est une partie d'un dessein plus grand, et dangereux.
Un dessein qui commence par l'annulation du père en tant que figure, en tant que rôle, en tant que racine,
pour arriver — pas à pas — à une société sans pères ni mères.
Une société fluide, où les liens sont interchangeables, et où personne n'a plus le droit de dire « c'est mon enfant », « c'est ma maison », « c'est mon histoire ».
Si vous ne pouvez pas le voir aujourd'hui,
vous le verrez demain.
Et la question qui vous attendra sera encore celle-ci :
Cela en valait-il vraiment la peine ?
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