Justice familiale : le retour à la barbarie juridique

Lettre publiée sur le site vox-silentii.org par Gaetano Squasi
« Il n'y a pas de justice là où règne l'émotion. »

Il y a un moment précis où le droit se brise : c’est le moment où il cesse de rechercher la vérité pour céder à une humeur collective. Non pas une cause noble, mais une pression ambiante. Non pas un principe, mais un préjugé. C’est à ce moment-là que le droit cesse d’être un rempart contre l’arbitraire et devient lui-même un instrument de violence. C’est à ce moment-là que l’on revient à la barbarie juridique.

On a l’impression d’être revenus à l’époque où les procès se tenaient sur les places publiques. Où les cris de la foule l’emportaient sur les preuves. Où le verdict était prononcé avant même le début de l’audience. Aujourd’hui, cette place a pris la forme des plateaux télévisés, des analyses répétitives et superficielles, du rythme effréné des faits divers. Mais la logique reste la même : on cherche un coupable, pas la vérité. On fabrique un ennemi, on n’écoute plus l’humain.

Aujourd’hui, les tribunaux de la famille sont devenus des lieux où le droit est plié, déformé, humilié. Des pères qui ont aimé, soutenu et élevé leurs enfants sont traités comme des suspects permanents. La présomption d’innocence s’évapore. La preuve cède la place à l’impression, à la crédibilité ex officio de la mère. Les expertises psychologiques remplacent les enquêtes. Les “sensations” deviennent des verdicts.

Tout cela se déroule sous les yeux d’une opinion publique gonflée par des informations incessantes, des analyses superficielles et des narratifs simplistes, où chaque féminicide devient la preuve irréfutable de la “violence masculine”, sans aucune distinction de cas, sans analyse des circonstances. Peu importe qu’il n’y ait aucun élément de culpabilité. Peu importe s’il s’agit d’hommes pacifiques, présents, affectueux. Il suffit d’être un homme. Et cela suffit.

Ainsi, jour après jour, se nourrit une nouvelle chasse aux sorcières. Sauf qu’aujourd’hui, les sorcières ne sont plus des femmes innocentes accusées d’hérésie : ce sont des pères détruits au nom d’une prétendue protection. On revient aux bûchers. Il n’y a plus de flammes, mais il y a la stigmatisation. Il y a l’exclusion sociale. Il y a la condamnation préventive. Il y a l’impossibilité de se défendre dans un système qui a déjà décidé qui vous êtes. C’est ce qui a été recherché. C’est ce qui a été voulu. Mais du dessein qui se cache derrière tout cela, nous parlerons dans un autre texte.

Ils ont effacé quinze siècles de civilisation juridique

Au nom de la “protection de l’enfant” – une protection souvent proclamée, rarement vérifiée – tout a été effacé. Quinze siècles d’évolution juridique ont été balayés, du Corpus Iuris Civilis de Justinien aux principes fondamentaux des constitutions démocratiques modernes.

La présomption d’innocence, principe fondamental du droit pénal, a été supprimée, remplacée par un préjugé systémique qui considère l’homme comme coupable dès le départ. La centralité de la preuve a été abandonnée : aujourd’hui, un simple soupçon, une déclaration unilatérale, une expertise biaisée suffisent à justifier des mesures drastiques. Les principes constitutionnels ont été ignorés : le droit à la défense, à l’équité du procès, à la proportionnalité. Les droits sociaux fondamentaux ont été piétinés : celui à la parentalité, à la continuité affective, à la dignité relationnelle.

Tout cela est justifié par des slogans. Non par des constatations. Par des présomptions. Non par des vérifications. Le droit a cessé d’être un critère : il est devenu un instrument idéologique.

L’exception devenu la règle

La justice familiale était née comme un cadre exceptionnel, pensé pour gérer des situations délicates. Aujourd’hui, l’exception est devenue la norme. Le droit familial est devenu un univers autonome, soustrait aux principes de légalité, de proportionnalité et de sécurité juridique, où la discrétion est illimitée et l’arbitraire institutionnalisé.

Ce qui devait être une protection est devenu un territoire sans garanties. Tout abus est justifié comme prudence. Toute violation comme mesure de précaution. Toute exclusion comme acte de protection.

Le système autoréférentiel de l’industrie familiale

Autour de cette justice dysfonctionnelle s’est constitué un véritable écosystème autoréférentiel : un réseau dense d’associations, d’assistants sociaux, de psychologues, d’avocats, de médiateurs, d’experts et de consultants, qui vivent et prospèrent grâce au conflit.

Il n’y a aucun intérêt à résoudre. L’intérêt est de prolonger. De multiplier les expertises, les supervisions, les rencontres “protégées”, les évaluations et les rapports. Tout devient “cas”. Tout devient “intervention”. Tout génère des honoraires, des subventions publiques, des missions judiciaires.

C’est un système qui s’alimente lui-même. Il n’est ni efficace, ni juste. Mais il est stable. Un équilibre pervers, maintenu par la convergence des intérêts.

Dans ce système, la souffrance n’est plus un problème à résoudre. C’est une source de revenus. C’est la matière première d’une industrie de la douleur.

Mais le silence est terminé

Ceci n’est plus la justice. C’est une gestion. Une idéologie. Une administration de la souffrance.

Mais le silence est terminé. La parole redevient témoignage. Et le témoignage, résistance civile.

Ceux qui ont vécu cette barbarie n’oublient pas. Ceux qui l’ont subie ne peuvent plus se taire.

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